Naissance d'une passion

Ma première rencontre avec les cygnes n'était que le début d'une passion que je ne soupçonnais pas.

Isis et Neter avait choisi depuis plusieurs années de nidifier sur une parcelle d'espace vert au pied du RER en surplomb de la Marne (environ 1,5 mètre) sous un saule pleureur. Après moult observations et temps passé à les côtoyer il était facile de comprendre que cet emplacement était stratégique pour Neter (le cygne mâle) dont une des principales préoccupations est l'établissement, la défense et la préservation de son territoire, de son nid et de ses progénitures. C'était sur le rivage extérieur d'un méandre de la marne lui donnant ainsi un maximum de visibilité tant en amont qu'en aval pour surveiller tout intrus pénétrant son territoire. Le saule pleureur était une source parfaite de végétaux à disposition et à bonne hauteur pour fournir tout le matériel nécessaire à la construction puis à l'entretien et la solidification du nid.

 

   

Cueillette des branches de saule pleureur pour la construction et l'amélioration du nid

 

De plus le saule assurait un minimum de protection en cas d'intempéries pluvieuses et assurait une régulation de température en cas de fortes chaleurs comme ce fut le cas cette année là. La femelle passant le plus clair de son temps sur le nid pour assurer la constance de la température de couvaison, les jeunes pousses du saule lui assuraient des réserves alimentaires et en eau. Les jeune branches lui étant cueillies par le mâle et approchées à portée de bec du nid, la longueur du coup de la femelle lui permettait d'attraper tout ce qui entourait ledit nid.

 

 

Le terrain était en pente mais les racines affleurantes du saule était une parfaite accroche pour les fondations du nid, l'art de bâtisseurs d'Isis et Neter étant parfaitement apte à compenser la déclinaison du terrain pour obtenir un nid parfaitement horizontal avec une base de plus de 2 mètres de diamètre. Au final le nid se trouvait à 3 mètres au dessus du niveau de la marne, prévenant ainsi tout risques liés à d'éventuelles crues. L’accès depuis la berge se faisait via une pente un peu raide mais praticable, l’accès à l'eau ayant été résolu de façon plus radicale par le couple en se laissant chuter du rebord surplombant le fleuve comme nous pourrons le voir sur des photos.

 

 

   

 

 Un nid parfaitement plat sur un terrain en pente. Cela amplifiait largement le point de vue sur leur territoire.

 

 

Très rapidement les premiers bienfaits de leur compagnie parurent manifestes et partagés. En effet leur "port d'attache" étant à proximité immédiate d'un lieu de passage très fréquenté, de nombreux riverains venaient régulièrement les regarder, qui avec leurs enfants, qui en couple et tous de convenir que le temps consacré à cette observation était source de sérénité, d'apaisement et d’harmonie dans une société stressante. et tout le monde de convenir qu'un peu de temps passé avec les cygnes valait bien tous les anxiolytiques de la terre.

 

L'acces à l'esplanade ou se trouve le nid se fait par une cote en s'aidant à grand battements d'ailes...

 

     

 

Quand au retour à l'eau...  cela surprend quelque peu quand l'on assiste pour la 1ère fois à cette scène!!!

 

       

 

J'en ai assez vu dès les premiers jour pour comprendre que je voudrais en savoir beaucoup plus sur ce couple et à travers eux sur les cygnes. Le temps passé à les observer me permettais d'en apprendre chaque jours un peu plus sur eux, de trouver auprès d'eux sérénité et tranquillité et par la même occasion de m'exercer à la photographie sur un sujet dont la grâce l'élégance et la beauté m'obligeaient chaque fois à plus d'exigence quant aux résultats de mes clichés. De plus la blancheur et l'apparente uniformité de la couleur de leur plumage s'annonçait comme un défi pour la réussite des photos. Je pris l'habitude  de passer les voir soir et matin et ce chaque jour de la semaine, sans compter le temps que je leur consacrais le week-end.

 

         

 

Je sentis très rapidement qu'une certaine forme de respect et de confiance s'était établie entre ce couple de cygnes et moi.  La légendaire réputation d'agressivité du cygne particulièrement en période de nidification ne semblait pas ici être fondée et à part quelques légers mouvements d'humeur, Neter le mâle m'acceptait étonnamment bien dans son cercle et à proximité du nid et de sa femelle. Je constaterai plus tard qu'il me laissera approcher ses petits sans s'interposer.

 

         

     

C'est ainsi que j'ai pu partager beaucoup de temps avec eux et saisir un peu leur mode de fonctionnement. Ci dessus vous pouvez voir Isis retourner certains oeufs. Elle le faisait à espaces réguliers et ce n'était pas toujours les mêmes qu'elle retournait. Elle controlait ainsi que la température soit régulière et homogène dans le nid. Cette température n'était pas seulement due à sa couvaison, mais aussi à une certaine fermentation lente d'une partie des végétaux (les jeunes pousses restées sur les branches) utilisés dans la construction du nid.

 

Autre élément de confort et de chaleur? Toutes les plumules qui se détachent lors de la toilette sont conservées et tapissent le nid, et certains moineaux et autres petits volatiles n'hesitent pas à venir en chipper quelques unes pour garnir leur propre nid.

La nature est très bien faite... La femelle cygne mue au début de sa couvaison. Cette mue est fatigante et désarmante, mais la femelle n'aura pas à voler pendant cette période et le mâle très territorial à cette époque de l'année assure sa sécurité pendant toute la période de la nidification. Lui ne vivra sa propre mue que quand les petit cigneaux seront nés, et que la femelle aura repris des forces et sera à nouveau à même de voler et d'assurer la sécurité de la famille.

 

 

 

Isis passait donc le plus clair de son temps sur le nid. Les conditions météorologiques du printemps 2010 étant des plus clémentes, au plus chaud de la journée Isis se permettait de quitter pendant  20 minutes le nid malgré ma présence (preuve de confiance?)  en ayant préalablement pris le soin de recouvrir quelque peu ses œufs avec les plumules et brindilles.

La fatigue aidant elle ne prenait pas la peine de contourner le nid mais se laissait glisser sur son plus grand coté pour rejoindre la berge. En chemin elle n'oubliait pas grâce à son long cou de rapprocher de la base pleins de brindilles qu'elle viendrait plus tard attraper à partir du nid. Puis elle allait au bord se laisser littéralement choir dans la Marne.

 

           

 

 

 

Mais cela n'est possible que parce qu’il fait très beau!

Sans quoi, Isis attend sur le nid que Neter soit remonté, qu'il ait fait sa toilette (20 mn) car il se nettoie et se sèche complètement avant d'aller sur le nid.

Les premières fois que l'on assiste à une toilette aussi assidue, cela semble confiner au "narcissisme fait Cygne". Mais une observation assidue permet de mieux comprendre les temps et les chronologie qu'Isis et Neter s'imposent.

 

Ainsi Isis et Neter peuvent se retrouver pour un quart d'heure grace au beau temps.

 

        

 

 Neter sur le nid à remplacé Isi pendant 20 minutes... Celle-ci vient reprendre sa place.

      

Après en avoir convenu... Passation de pouvoir sur le nid...

 

L'attente d'un futur père serein.

 

 

Les jours de grande chaleur ne sont quand même pas le quotidien et la situation requiert une présence constante sur le nid. Aussi les jours de pluie des gouttelettes se forment sur le plumage d'Isis malgré la protection du saule pleureur. Ce qui pourrait apparaitre comme un problème est optimisé par Isis à double titre. Par de petits claquements de bec horizontaux en glissant sur le plumage, Isis récupère toute l'humidité  pour la boire, évitant par la même occasion que celle-ci finisse par ruisseler dans le nid, et d'avoir à le quitter par temps frais pour se déshydrater.

 

  

   

 

 

Cette année là il y eut 5 éclosions dont deux laborieuses sur 7 œufs. Deux d'entre eux n’éclorent pas. L'éclosion/naissance des petits cygneaux est un moment aussi passionnant qu'émouvant. Par chance (et un peu d'assiduité) j'étais présent à la première...

 

  

 

 

Le premier à sortir!

Fatigué par l'effort fourni pour rompre la coquille, la tenue de sa tête est incertaine et Isis passe son bec sous le cygneau pour l'aider à se maintenir droit et ne pas s'écrouler au fond du nid au risque de s'étouffer. Pendant ce temps ses frères s'affèrent à trouer leur coquille pour se frayer une ouverture vers la libérté.

 

 

La photo ci-contre est particulièrement interessante parce que sous un aspect anodin, elle nous donne beaucoup d'information.

Isis tout en stimulant son cygneau absorbe les restes présents dans la coquille d’œuf (l'équivalent du placenta chez les humains) ce qui a pour conséquence de l'alimenter en substances essentielles et d'éviter toute putréfaction au sein du nid.

On peut aussi remarquer que les parties les plus développées à la naissance sont l'ensemble tête/bec et les pattes. Le bec et les pattes sont apparemment les deux parties dont se sert le cygneau pour rompre sa coquille.

 

 

 

Le deuxième cygneau aura du mal à rompre entièrement sa coquille et la membrane intérieur de l'oeuf.

Deux heures et demi après le début de son éclosion, Isis décidera d'intervenir pour aider le cygneau à rompre l’œuf en y exerçant une pression appropriée avec l'ensemble de la patte.

 

 

 

Isis prend mille précautions pour faire un maximum de place à ses petit sous ses ailes,

quitte à se contortionner et adopter des postures improbables.